mercredi 10 septembre 2008

Hommage à Lucie Hamel

C'est la rentrée. Je me souviens de toutes ces rentrées, celles comme élève et depuis 8 ans déjà, celles de profs. C'est en lisant "Chagrin d'école" de Daniel Pennac que je me souviens aussi de cette enseignante... on en a tous une ou un qui nous marque un peu plus, dont on se souviendra toute notre vie.

Mme Hamel. Lucie Hamel. Prof de maths 531 (les grosses maths!!!). Secondaire 5. Collège de filles... bourré d'hormones!

Ce n'était pas juste ma prof de maths. C'était comme une coach de vie. J'aimais ses cours. Je buvais ses explications en grandes pompes sur le tableau noir. Trigonométrie, sinus, cosinus, tengeante. C'était tellement clair! (oui oui! je m'y abreuvais si facilement!)

Et elle s'emportait de sa passion pour cet art rigoureux de tout aligner ses démarches. " À la mine les filles. Alignez-moi ces calculs, lettres et déductions. Identifiez vos étapes!" Et elle lâchait sa craie d'un clic accompli sur le bord du tableau, soigneusement rempli de calculs proprement démontrés. Elle avait une belle façon d'écrire les chiffres, Mme Hamel. C'en était même artistique! Comme un reflet de sa personnalité à la fois pragmatique et émotive.

J'aimais quand elle commençait ses cours, assise, ses grandes jambes élancées croisées sur son bureau, lequel était juché sur une tribune. " J'ai le goût de jaser les filles!"... et on jasait. De la vie. Des garçons. De son amouritié (mot de sa création pour désigner l'homme dans sa vie!). 50 minutes passaient, la cloche sonnait, et le tableau était resté noir et nos cahiers fermés.

Je serais restée là toute la journée à l'écouter me parler de la vie, à m'enseigner l'imperfection si contradictoire aux mathématiques. J'avais hâte de la revoir Mme Hamel. À tous les jours. Surtout lorsque j'ai eu ma première peine d'amour. Ces moments privilégiés où elle me retenait après les cours juste pour me jaser, à moi, toute seule.

Et le jour de la remise des diplômes est arrivé. À la Place des Arts. Rien de moins pour avoir bûché 5 ans dans ce collège de filles, à étudier la vie. Et c'est elle qui m'a remis mon méritas en maths. J'ai eu 100%. Du jamais vu. Pourtant, ce fut si facile! Et avec ça, un crayon d'argent à mine. "Parce que les maths, ça se fait à la mine!" m'a-t-elle écrit sur le mémo l'accompagnant.
***
C'est la rentrée. 15 ans plus tard, c'est moi la prof. Je repense à Mme Hamel. Ne saura-t-elle peut-être jamais que c'est un peu grâce à elle que je suis à mon tour devenue celle qui remplit le tableau, et peine à dire à mes élèves de faire leurs maths à la mine. C'est à elle aussi que je pense, quand, dans les 25 paires d'yeux qui me regardent, je sens que je dois enseigner la vie, oublier l'horaire et m'asseoir sur le bord de mon bureau... pour jaser.

C'est la rentrée. Merci Mme Hamel, Lucie, de m'avoir enseigner un peu la vie!

(Avis à ceux et celles qui pourraient connaître Lucie Hamel, enseignante au Collège Regina Assumpta dans les années 90: J'aimerais bien qu'elle ait ce message!)

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