dimanche 29 avril 2012

Récit de mon AVA2C

En écrivant ce récit d’AVAC, je souhaite donner espoir et surtout le courage aux femmes ayant vécu une césarienne, de vivre cette merveilleuse aventure de donner naissance naturellement. Nous, les femmes, avons le privilège de pouvoir donner la vie. Nos corps sont faits pour cela. Nos histoires de césariennes sont uniques et sommes toutes douloureuses. Mais chaque accouchement est également unique et nos plus tristes histoires ne sont pas obligées d’être reproduites. Nous avons toutes cette force en nous. Il suffit d’y croire et de se le répéter.

...

Je suis Annie, maman de 4 beaux enfants en santé.

Laurence et Mariane, mes jumelles sont nées par césarienne d’urgence à 35 semaines de gestation, à St-Jérôme, le 30 septembre 2005. À cause d’un syndrôme HELLP, on a dû me faire une anesthésie générale.

L’annonce de ma grossesse gémellaire a été une belle surprise. En effet, je l’ai appris lors de mon échographie de 20 semaines. Au départ, c’était une belle nouvelle. Eric, mon conjoint, et moi, savions que nous serions de bons parents.

Toutefois, s’en suivent de nombreux doutes dans mon esprit sur ma capacité à porter mes deux bébés dans mon ventre : « Mais où vais-je trouver la place pour les mettre dans ma petite personne de 5’2’’? ». Autour de moi, je n’ai pas de ressources qui peuvent m’informer d’accouchements de jumeaux. Mes personnes références sont alors les médecins-gynécologues de la clinique de grossesses à risques élevés, vers qui j’ai été, immédiatement après le « diagnostic » de grossesse gémellaire, orientée. Je suis donc enceinte… mais à risques. À risques de quoi? Dès lors, les discours médicaux m’obsèdent : risque de diabète de grossesse, risque de haute pression, risque de trouver des protéines dans mon urine, risque de pré-éclampsie, risque de césarienne, risque d’accouchement prématuré, risque d’avoir des bébés qui auront besoin de soins particuliers… Peu à peu, mon esprit se programme à devoir accoucher avec difficulté. Je me mets à douter de moi, de ma capacité à pouvoir donner naissance à mes bébés normalement. Je suis enceinte, mais je suis aussi « malade ». Enfin, c’est ce que le système médical m’envoie quotidiennement comme message.

Autour de ma 30e semaine de gestation, je commence à enfler de partout. Les rendez-vous en clinique GARE se multiplient : monitoring, tests d’urine, contrôles de pression à toutes les semaines. Malheur? Surprise? Je fais de la haute pression. J’ai mal partout. J’angoisse à l’idée d’accoucher. J’écoute tout ce que le monde autour de moi me dit. Et voilà que mon esprit s’ancre dans l’idée : « Et si je pouvais ne rien sentir de mon accouchement? Et si c’était possible d’accoucher endormie comme ma grand-mère l’a fait? » Quand je parle de mon accouchement aux gynécologues, on me dit qu’il est possible que j’accouche naturellement mais qu’il y a des risques… encore!.. que le 2e bébé s’enligne mal et que je doive subir une césarienne d’urgence. Alors pourquoi risquer un accouchement naturel? Cela me ferait moins mal de planifier tout de suite une césarienne. J’adopte alors cette idée, qui franchement, me rassure, et semble aussi beaucoup rassurer le personnel médical.

À 34 semaines, je dois entrer à l’hôpital et rester au repos parce que mes membranes ont fissuré. Pour dire vrai, j’en suis soulagée. On me prend en charge. Déresponsabilisation? Manque de confiance? Un peu de tout ça m’habite. J’ai tellement mal partout et ma bédaine est tellement énorme que j’ai bien hâte qu’on m’annonce le moment où je devrai accoucher. Je suis branchée sur le moniteur près de 15h par jour. On prend ma pression aux 2h. Je ne me lève plus de mon lit. On m’empêche même de manger convenablement car il y a risque (!) de pneumonie toxique si jamais on doit m’opérer d’urgence. Alors j’attends, et j’ai peur…

6 jours plus tard, j’ai, me dit-on, des contractions… que je ne sens pas. Par contre, j’ai mal dans le haut du ventre. On prend mon bilan sanguin : pré-éclampsie sévère, plaquettes basses, enzymes du foie déréglées. Vite! On doit m’opérer. L’annonce de cette nouvelle m’apaise enfin… je verrai mes bébés aujourd’hui!

Branle-bas de combat dans ma chambre : anesthésiste, infirmières, pédiatre, gynécologue, préposés. Tous s’affairent autour de moi, qui souris, naïvement… J’ai à peine le temps d’appeler mon conjoint qu’on m’administre du sulfate de magnésium, soit disant pour m’empêcher de convulser. C’est sous les chaleurs que ce médicament me procure que le médecin me fait signer l’autorisation de m’opérer. Elle m’explique rapidement les risques… et me demande si j’ai des questions. « Vais-je mourir? » lui demandai-je. On me répond, tout bêtement, qu’on va tous mourir un jour!!! Mais voyons! C’est supposé d’être le plus beau jour de ma vie, celui de la naissance de mes filles! Je ne me sens absolument pas en danger de mort! « Eric pourra être avec moi dans la salle d’opération? » Négatif. Cela pourrait être traumatisant de voir sa blonde intubée. « Quoi? Intubée? On va m’endormir? On ne peut pas me faire une anesthésie rachidienne? » Non. Pas le temps. Mon état est en trop grande détérioration. Il faut sortir les bébés de là sinon tout le monde y risque sa peau.

Black out.

Quelques heures après, je suis dans la salle de réveil. « Vous avez deux belles filles madame! ». « Où est Eric? » demandai-je. J’entends murmurer… « Elle demande Eric. Ça doit être son conjoint… » J’ai mal. Mon ventre. Mes bébés. Mon chum. Mes amours. Je suis toute seule. Je suis vide. On me transporte aux soins intensifs. Transfusions. Morphine. Enfin, je vois Eric. Il pleure, je pleure. Je vois mes filles sur l’appareil photo. Impossible de les toucher pour le moment. Nous ne sommes pas sur le même étage.

24h plus tard, ma rage maternelle l’emportant sur ma « maladie », je peux enfin regagner ma chambre et voir mes filles à la pouponnière. Elles sont séparées. Je veux les allaiter. « Non, pas tout de suite. Elles sont trop petites et trop faibles pour téter » me taraudent les infirmières. J’enrage… Peut-être est-ce cela qui occasionnera ma montée de lait? On m’a volé mon accouchement. On m’a volé les premières minutes de vie de mes filles. On ne me volera pas ce contact unique que j’attends depuis 9 mois… Cela prendra 72h après leur naissance pour que je puisse enfin les mettre au sein. Ma victoire. Elles le prennent aussitôt, et avec vigueur, du haut de leurs petits 5 lbs. J’impressionne les infirmières. On dirait même qu’elles ne me croient pas. Pied de nez au système hospitalier. On ne m’y reprendra pas deux fois. Je le jure…

Je rentrerai à la maison 9 jours après ma césarienne. Avec mes deux filles en parfaite santé. Je suis heureuse de commencer ma vie de maman, soit… mais une partie de moi demeure meurtrie, coupée et surtout incomprise. Suis-je une mère à part entière même si je n’ai aucun souvenir d’avoir accouché? Ce sentiment m’habitera encore longtemps.


Manuel, mon fils, est également né par césarienne, 3 ans plus tard, à 41-6 sem de gestation, à St-Jérôme, le 31 août 2008. Une deuxième césarienne. Je m’étais pourtant juré de ne pas y retourner…

Quand j’ai su que j’étais enceinte de nouveau, j’ai tout de suite voulu avoir un suivi le plus naturel qui soit, pour avoir l’accouchement le plus naturel qui soit. Comble de joie, on a accepté ma demande à la Maison de naissance du Boisé, à Blainville, et j’ai obtenu le privilège d’être suivie par les sages-femmes de la maison.

Ma grossesse se déroule normalement. Les rencontres avec les sages-femmes sont empreintes d’humanité et de douceur. On discute beaucoup de mon premier accouchement. Mon discours est catégorique : Je ne veux PAS d’une autre césarienne. Je suis prête à tout, même si la peur me tenaille encore… En fait, mon attitude est celle d’une combattante, qui résiste au fait qu’il y a une possibilité que je doive subir une autre chirurgie. Je n’ai pas accepté la première césarienne. Comment pourrais-je envisager en avoir une autre?

À 38 semaines de gestation, mon fils patauge encore la tête en haut dans ma bédaine. Il a beaucoup de place et ne semble pas pressé de sortir! Petit stress : je dois aller consulter en clinique GARE pour une échographie et planifier une version si nécessaire. Sinon, c’est la césarienne car mon bébé se présente en siège. Branle-bas de combat, je me précipite chez l’acuponcteur pour inciter mon bébé à se retourner. Ça fonctionne! Manuel trouve sa place la tête en bas vers la fin de la 38e semaine.

À ce stade de ma grossesse, les doutes commencent à s’installer. Je veux accoucher naturellement, j’ai une belle équipe autour de moi mais on me rappelle sans cesse que si le travail ne progresse pas comme il faut, on devra me transférer aux gynécologues. Voilà la raison pour laquelle je dois accoucher à l’hôpital et non à la maison de naissance pour être prête à faire face aux complications… s’il y a lieu! Bien sûr, mon esprit se vautre dans le déni : Je n’aurai PAS une autre césarienne!

Le grand jour arrive enfin, après 13 jours d’attente de la date prévue d’accouchement. Ma sage-femme vient me rejoindre chez moi pour évaluer la progression du travail. Tout se passe très bien. Rendus à l’hôpital, mon col dilate bien jusqu’à l’heure des poussées. Les sages-femmes et mon conjoint m’encouragent! Je peux pousser… pousser… pousser! Alors je pousse. Mal. J’ai mal. C’est long. Trop long. Je peux toucher un petit bout de tête qui essaie de passer la symphyse pubienne, mais bébé remonte. Il est mal positionné. Mes poussées ne sont pas efficaces. On tente un lavement, des changements de position, on m’installe une sonde… Pénible silence. Chuchotements. On ne m’encourage plus. Ça fait au-delà de 3h que je pousse et bébé ne progresse plus. Il commence à se fatiguer. Et moi aussi. Je suis découragée. Je n’y crois plus. Le verdict tombe. Ma sage-femme m’informe qu’elle doit me transférer. NON!!!

S’en suivent l’arrivée des infirmières, l’installation d’un soluté, les « arrêtez de pousser madame, le docteur s’en vient! ». La gynécologue que j’ai réveillée me palpe rapidement : « C’est une patiente avec une césarienne au dossier. Pas de temps à perdre. Préparez la salle d’opération. » Je ne dis rien. Je pleure et Eric aussi. Ma sage-femme me tient la main, désolée. Elle assistera toutefois à mon anesthésie et à l’accouchement de l’autre côté du rideau. Parce que je ne veux rien manquer de la naissance de mon fils cette fois! Tout le long de l’opération, je suis aux aguets. Éveillée. Attachée de partout mais consciente, au moins!

Et Manuel arrive au monde avec un grand cri de victoire! Mon bébé, il est enfin là! Mais je le vois à peine car je n’ai pas mes lunettes. On le place déjà tout emmailloté sur moi, seulement quelques minutes. Eric, ma sage-femme et mon fils partent à la chambre. Au moins, papa fera le peau à peau pendant que j’attendrai 2 longues heures à me faire recoudre et observer en salle de réveil, toujours les deux bras attachés…

À mon arrivée à la chambre, mon fils a les yeux ouverts. Il tète son pouce calmement dans les bras de son papa. Je l’allaite. Il est en parfaite santé. Après un refus de traitement de ma part, nous sortirons de l’hôpital 24h plus tard. Ma sage-femme viendra s’occuper de retirer les agrafes de ma cicatrice…

Je retourne donc à la maison. Heureuse d’avoir mon fils, « un beau bébé en santé » comme dirait tout le monde… mais blessée, coupée, et avec un immense sentiment de culpabilité de n’avoir pu le mettre au monde naturellement. J’ai tellement mal à ma césarienne… « Suis-je vraiment une mère complète? »


Anabelle, ma 3e fille, est née par voie vaginale, à 41 semaines de gestation, à St-Jérôme, 3 ½ ans après ma 2e césarienne, le 16 avril 2012. Ma victoire! Notre victoire! J’ai enfin réussi mon AVAC!

Eric et moi voulions 4 enfants. Après la naissance de Manuel, je savais que je vivrais une autre grossesse. J’avais le temps de me préparer et surtout apprendre à avoir confiance en moi : une femme qui peut mettre au monde un enfant, naturellement. Car le corps d’une femme sait d’instinct ce qu’il a à faire et il est programmé depuis la nuit des temps pour donner naissance. C’est la beauté de la nature, le miracle de la vie.

Je trouve donc une ostéopathe qui m’offre des traitements pour guérir les adhérences de mes cicatrices et l’alignement de mon bassin. Son approche est également thérapeutique. Je commence un processus de guérison physique mais aussi psychologique pour accepter et comprendre les raisons de mes césariennes. C’est un travail laborieux mais tellement libérateur!

Après 3 ans de thérapie et en pleines rénovations majeures dans notre maison, je deviens enceinte pour une 3e fois. Je sais que cette grossesse sera unique et différente des deux autres. L’histoire ne se répètera pas. Je suis en confiance et non en résistance! Je sais aussi qu’après deux césariennes, plusieurs « obstacles » se présenteront pour freiner mon désir de tenter, encore, un accouchement naturel. Le premier, c’est d’abord le refus de la maison de naissance de faire mon suivi de grossesse. On n’accepte pas de femmes ayant eu deux césariennes. S’offre à moi alors deux options : lutter pour trouver un hôpital et un médecin favorables aux AVAC ou accepter de me faire suivre par mon médecin de famille qui m’accouchera à St-Jérôme, dans une équipe de 6 femmes-médecins qui ne seront peut-être pas toutes ouvertes à mon projet de naissance. Je choisis l’acceptation, donc la 2e option. Fini le temps où je me fie aux autres pour accoucher. Je suis la seule avec mon bébé qui puisse faire le travail comme il faut!

Vers le 7e mois de grossesse, je choisis également de me faire suivre en hypnothérapie. Ma thérapeute m’aide à reprogrammer mon mental afin de vivre un accouchement tel que je le souhaite. Ces auto-suggestions m’aident à me faire confiance et à cesser d’écouter toutes les peurs venant de l’extérieur. « Mon corps sait ce qu’il a à faire. Je fais confiance à mon bébé. À chaque contraction, le travail progresse et mon bébé se rapproche de moi. Je vis un accouchement facile et confortable. J’accepte le chemin inconnu de la facilité pour accoucher naturellement. »

Ma grossesse se déroule parfaitement et le déclenchement du travail aussi. Calmement j’accepte ces sensations inhabituelles et temporaires. Je suis en confiance. En arrivant à l’hôpital, mon conjoint et moi faisons comprendre à l’équipe médicale nos souhaits pour cette naissance heureuse : du calme, le moins d’interventions et de bruit possible, un monitoring intermittent et silencieux et la possibilité de bouger, de prendre un bain et de pousser dans la position de mon choix. Nous avons dû argumenter un peu sur l’aspect du monitoring qui « habituellement », après une césarienne, se doit d’être en tout temps. Notre point a finalement été respecté ainsi que toutes nos demandes. Nous en sommes très reconnaissants. Il va sans dire que l’équipe médicale, avec une femme médecin que je ne connaissais pas, (en plus!) a été d’une écoute et d’un respect dont je ne m’attendais pas étant donné mes histoires de césariennes.

Lorsqu’est venu le temps de pousser, j’étais encouragée de toutes parts. Mon chum qui rayonnait de fierté, l’infirmière qui me répétait mes auto-suggestions positives et la médecin qui continuait de m’encourager et de s’impressionner devant ma détermination et la progression parfaite du travail. C’est en moi et dans cette confiance qui régnait que j’ai trouvé la force de pousser ma fille par mes voies vaginales en à peine 1h40. Quand j’ai enfin entendu son cri de victoire, j’y ai ajouté le mien : « J’ai réussi! J’ai réussi! » J’ai accompli le plus beau miracle de la vie! J’en suis tellement fière! Anabelle, notre enfant chérie, m’a permis de boucler mon histoire d’être une mère complète. J’ai vécu un accouchement parfait, même après deux césariennes.

lundi 2 avril 2012

Citations pour attendre

Je republie... après 3 ans et demi... toujours aussi d'actualité, cela dit, pour moi, là, aujourd'hui, à quelques jours de mon 3e accouchement!

L'attente commence quand il n'y a plus rien à attendre, ni même la fin de l'attente. L'attente ignore et détruit ce qu'elle attend. L'attente n'attend rien.
Maurice Blanchot, extrait de L'Attente, l'oubli

Derrière l'attente, il y a tout: la permission gratuite d'évoquer un beau visage ou de dialoguer avec une ombre.
Dominique Blondeau, extrait de Les Visages de l'attente

C'est une chose étrange que l'absence. Elle contient tout autant d'infini que la présence. J'ai appris cela dans l'attente, j'ai appris à aimer les heures creuses, les heures vides: c'est si beau d'attendre celle que l'on aime.
Christian Bobin, extrait de Livre d'Or

Il y a des attentes discrètes qui apportent en intensité ce qu'elles négligent en assiduité.
Robert Brisebois, extrait de L'Amour c'est tout, le hasard c'est autre chose

Il ne faut pas se créer de fausses attentes des autres hommes, de notre Univers et surtout de nous-même; cela se traduit alors en souffrances inutiles et vaines.
Daniel Desbiens, extrait de Maximes d'Aujourd'hui

Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin - Je te cherche par-delà l'attente - Par-delà moi-même - Et je ne sais plus tant je t'aime - Lequel de nous deux est absent.
Paul Eluard, extrait de L'Amour, la Poésie